Du non-respect des textes de référence de la Bceao aux préjudices.

Date:

 

Des États membres de l’Union monétaire ouest africaine (Umoa, 1962) envisagent, sous l’égide de l’Alliance des États du Sahel (AES, 2023), regroupant le Burkina, le Mali et le Niger, une sécession monétaire à la suite de mesures d’exclusion temporaire et immédiate de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest (Bceao, 1959) dont ils ont fait l’objet, estimant que les textes de référence ont été abusés à leur détriment.

Les pertinentes dispositions régissant l’administration et le fonctionnement de la Bceao stipulent que celle-ci ne peut suspendre, ni entraver, ni modifier l’exécution de ses missions pour des motifs autres que de gestion de la monnaie, du crédit et des changes, conformément à l’esprit et la lettre de ses missions de banque centrale unitaire pour les États-parties. Dans ce sillage, l’alinéa unique de l’Article 62 des Statuts de la Bceao, au Chapitre consacré à l’organisation institutionnelle, dispose que « Le Gouverneur est chargé de la mise en œuvre de la politique monétaire ainsi que de ses instruments. ». Les attributions-métier du Gouverneur se passent donc de toute ambiguïté, s’agissant de la nature et de la teneur des décisions que celui-ci peut prendre ou mettre en œuvre dans l’exercice de ses fonctions.

Ainsi donc, dans le cadre de l’exercice de ses missions régaliennes, la Bceao ne peut sélectionner ni limiter ses services à un État membre pour des raisons autres que de politique monétaire. C’est pourquoi, introduire d’autorité la sélectivité et la limitation dans les services rendus à tout État par la Bceao, sous le prétexte que la Conférence des Chefs d’État de l’Umoa a entériné une résolution prise en amont, de surcroît par la Conférence des Chefs d’État de la Communauté Économique Des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao, 1975), puis approuvée par la Conférence des Chefs d’État de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa, 1994), est abusif et hors-la-loi.

En outre, en mettant en œuvre des instructions qui n’émanent pas de ses Organes de décision, expressément définis et listés par les textes en vigueur et bien distincts des Organes de l’Umoa, de l’Uemoa, de la Cedeao etc., eux-aussi explicitement définis dans leur format et leurs attributions, la Bceao enfreint les pertinentes dispositions de l’Article 4 de ses propres Statuts. En effet, c’est cet Article 4 des Statuts de la Bceao qui sacre, sans ambages en ses lettres et en deux alinéas, le principe de l’indépendance de l’Institution, de ses organes, de ses dirigeants et de son personnel, puis stipule que les institutions, organes communautaires et Gouvernements des États s’engagent à respecter ce principe.

Pour rappel et à toutes fins utiles, l’Article 4 des Statuts de la Bceao dispose :

 » Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions qui leur sont conférés par le Traité de l’UMOA et par les présents Statuts, la Banque Centrale, ses organes, un membre quelconque de ses organes ou de son personnel ne peuvent solliciter, ni recevoir des directives ou des instructions des institutions ou organes communautaires, des Gouvernements des États membres de l’UMOA, de tout autre organisme ou de toute autre personne.

Les institutions et organes communautaires ainsi que les Gouvernements des États membres de l’UMOA s’engagent à respecter ce principe.  » (Fin de citation).

Par conséquent, ni suspendu ni exclu des Traités, mais seulement écarté des organes de l’Umoa et de l’Uemoa, qui ne sont nullement ceux des institutions financières créées dans le cadre des dispositions des Traités, tout État conserve ses droits et obligations de membre des organes de la Bceao, tout comme de la Banque ouest-africaine de développement (Boad, 1973) au demeurant. Précisément, il n’y a aucun lien de cause à effet entre la qualité de membre des organes de l’Umoa ou de l’Uemoa et celle de membre des organes des institutions que sont la Bceao et la Boad. De façon similaire, même en tant qu’autorité suprême, la Conférence des Chefs d’État n’a pas compétence pour autoriser ou suspendre et a fortiori exclure la participation d’un Représentant ou d’un autre d’un État membre aux sessions des organes d’administration et de gestion des institutions créées dans le cadre des Traités. Ce qui précède peut paraître surprenant pour qui juge que les Chefs d’État, réunis en session, peuvent prendre des libertés par rapport aux Traités et textes subséquents, mais reste parfaitement conforme aux dispositions réglementaires et légales en vigueur.

En raison de son statut d’organisme public, de droit international, au capital social entièrement souscrit à parts égales entre les États membres, et fonctionnant surtout selon des règles de droit privé, la Bceao s’oblige à établir des états financiers et comptables en conformité avec les dispositions légales en vigueur. Ce sont ces mêmes dispositions qui stipulent qu’aucun actionnaire, ni groupe d’actionnaires ne peut priver un autre de ses droits d’actionnaire sous aucun prétexte que ce soit ; ces droits d’actionnaires sont régis par le droit commun de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) dont tous les États de l’Umoa sont membres et signataires du Traité constitutif. S’y ajoute que la Bceao, dotée de personnalité juridique et d’autonomie financière, jouit dans chacun des États membres de la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales etc. (Articles 1er, 2 et 3 des Statuts de la Bceao).

Au total, la Bceao est coupable de forfaiture pour avoir, d’une part exécuté un ordre inapproprié, auquel elle n’aurait pas dû donner suite pour non-conformité à ses dispositions statutaires et aux dispositions réglementaires en vigueur, et d’autre part, mis en œuvre une instruction sans lien avec la politique monétaire et la gestion conséquente de la monnaie, du crédit et des changes, réglementées par un corpus juridique y relatif … Elle a surtout manqué à ses obligations d’indépendance vis-à-vis des institutions, organes communautaires et Gouvernements des États dans l’exercice de ses missions statutaires, comme les lui imposent les textes en vigueur : ses propres organes, les membres de ses organes et son personnel sont tout aussi coupables de forfaiture. Ce faisant, elle a créé un grave précédent, lourd de préjudice administratif, financier et moral.

Le préjudice est à tout le moins administratif par le fait que des États ont été abusivement empêchés de prendre part aux sessions des organes de la Bceao et de la Boad. Cet empêchement a résulté d’une dommageable confusion entre les organes desquels ces institutions répondent et ceux de l’Umoa et de l’Uemoa, desquels certains États ont été exclus et desquels les institutions que sont la Bceao et la Boad ne répondent pas en matière de gestion et d’administration.

Le préjudice est en outre financier par le fait que des opérations financières n’ont plus été exécutées, la direction de la Bceao et celle de la Boad s’y étant opposées de manière unilatérale et équivoque. Enfin, le préjudice est moral et traumatisant, les deux plus importants marqueurs du vivre ensemble monétaire et solidaire organisé par le Traité de l’Umoa ayant été corrompus : il s’agit en substance de l’indépendance de la Bceao et du traitement équitable que ses Textes appellent à réserver à ses membres, notamment à travers une gestion dépolitisée de la monnaie, du crédit et des changes.

Le non-respect des textes de référence du vivre ensemble, par la Bceao, et les préjudices qui en découlent font courir à l’Umoa, l’Uemoa et à leurs institutions et démembrements, de réels risques de fragilisation. Des signaux rassembleurs et des gages de respect absolu des Traités et dispositions juridiques subséquentes doivent être envoyés aux pays qui, hier encore, étaient paradoxalement de ceux qui organisaient et applaudissaient une mauvaise lecture des textes réglementaires et légaux en vigueur (pour des intérêts particuliers) et qui se sentent aujourd’hui floués par une Bceao peu regardante sur ses propres dispositions statutaires.

Dans l’intérêt des populations, il faut sauver, quoi qu’il en coûte, le vivre ensemble à huit (8) de l’Umoa et l’élargir à d’autres pays, hors Afrique de l’ouest le cas échéant, en étant respectueux de ses textes de référence et en s’accommodant des coups d’État, empêcheurs de tourner en rond et donne politique toxique au demeurant ancienne, courante et sans rapport factuel avec la gestion de la monnaie, du crédit et des changes.

Vilévo DEVO, 16 octobre 2024.

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